Le lendemain je rejoignais le groupe qui devait descendre au Kommando Altenhammer. Nous étions une cinquantaine, mais très peu de Français. En rangs par 5 accompagnés des Kapos et des SS avec chiens, nous traversions tout le village de Flossenbürg, par l'unique rue à l'époque qui traversait l'agglomération du Nord au Sud, passant d'abord devant le temple protestant, ensuite devant l'église catholique, puis la gare, d'où un autre Kommando Bahnhof chargeait et déchargeait, au profit du KL, des pièces d'avions ou des pierres taillées de granit (le meilleur granit d'Allemagne).
Environ 500 m. plus loin nous arrivions dans la petite commune d'Altenhammer et là, dans un hangar ouvert dans la journée aux deux extrémités et entouré de barbelés avec miradors, j'eus la surprise de découvrir des monceaux d'instruments de bord d'avions (anémomètres, tachymètres, altimètres, indicateurs de pression d'huile, compte-tours, thermomètres, etc…). Un Meister (civil allemand contremaître) m'expliqua que tout ce matériel provenait des avions allemands qui avaient été abattus, ou qui quelquefois perdaient leurs ailes aux essais. (Je riais sous cape, car j'y étais pour quelque chose). On me remit des tests sets, on me précisa que les contrôles devaient être d'une extrême précision, et entre autre chose : que la moindre fêlure des écrans de verre dont tous ces instruments étaient équipés était un cas de réforme et envoyés à la ferraille. Aussi je ne m'en privais pas, insistant lourdement auprès des Meisters quand l'appareil était bon, avec un verre cassé. La réponse du Meister était toujours la même:
- Nicht gut, werfen ! (Pas bon, jeter !).
Combien de ces instruments de bord impeccables finirent à la poubelle avec un petit coup de marteau sur leur verre protecteur… Il fallait que je sabote, c'était ma seule façon de faire la guerre. Bien entendu il n'aurait pas fallu que je me fasse prendre, car cette fois-là, c'était bien la potence qui m'attendait….