Deux ou trois jours après mon arrivée, un après-midi, je commençais à ressentir la douleur par la soif. Je me tenais dans la baraque près d’une fenêtre ouverte. J’aperçois à l’extérieur, dans l’espace qui sépare les baraques de quarantaine, un détenu mongol de petite taille. Je l’identifie par les lettres « S.U. » qu’il porte sur ses vêtements : un prisonnier de l’armée soviétique. Le petit homme me fait un signe. Il tient à la main une gamelle et l’approche rapidement d’un des coins inférieurs du grillage de la fenêtre. Je constate alors que le grillage a été décloué à cet endroit et peut se soulever. Je saisis la gamelle qui contient l’espèce de décoction appelée « café » que prépare la cuisine du camp. Je peux me désaltérer. Je n’ai jamais revu ce soldat de l’Armée rouge qui a dû être assassiné prioritairement par les bourreaux nazis comme la plupart de ses camarades. Ce jour-là, il a risqué sa vie. Si les chefs de la baraque avaient vu son geste, il aurait certainement été battu à mort.