Vers le mois de juillet 1941 je travaillais à l’épluchage des pommes de terre dans le Kommando Kartofelschäler du camp de Mauthausen. A côté de moi un compatriote qu'une rage de dents faisait souffrir sans toutefois qu'il s’arrête de travailler. Le Kapo fit tout son possible pour que le secrétaire du Kommando lui établisse une autorisation signée par le chef principal de la cuisine à laquelle nous appartenions pour que la dent puisse être arrachée dans l’après-midi. Le Kapo me désigna pour l’accompagner à la clinique dentaire.
A notre arrivée le chef de la clinique n'était pas encore arrivé et mon compatriote décida de chercher un endroit pour uriner, me promettant qu'il serait de retour le plus rapidement possible. Le sous-officier SS arriva rapidement et me demanda quelles étaient les dents qui me faisaient mal.
"Ce n'est pas moi qui ai mal aux dents Monsieur, mais mon compatriote que j'accompagne et qui ne tardera pas à venir". "Cela m'est égal" me répondit-il "toi tu es là et il faut bien que je fasse mon travail sur quelqu'un". "Mais Monsieur aucune dent ne me fait souffrir". "Pour le temps que tu vas en avoir besoin. Tôt ou tard vous passerez tous par le crématoire, alors ne fais pas l'idiot et entre".
Il me fit entrer, asseoir, ouvrir la bouche et une à une il m'arracha trois molaires... "Tu as raison elles sont saines et bien saines"...
Quand il termina et vit la tête horrifiée de mon compatriote collée à l'extérieur de la fenêtre il me demanda : "Qui est celui-là ?" "Celui qui venait pour se faire arracher la dent qui lui faisait mal".
"Aujourd'hui je n'ai pas le temps je dois aller à Linz. Mais demain je lui arracherai non seulement la dent qui lui fait mal mais également toutes celles que je t'ai arrachées par sa faute". Mon compagnon n'est pas retourné chez le dentiste. Il mourut au Kommando de Gusen.