Je rencontre un soir notre ami l'abbé Pannier en conversation avec un autre déporté encore plus maigre que lui. Je ne pensais pas cela possible. Seuls les grands yeux brillants, qui mangeaient son visage, trahissaient une volonté farouche de vivre.
Quand ce malheureux nous quitta pour regagner sa baraque, Pannier le suivit longtemps du regard, les yeux humides. « Ce gars là, me dit-il, c'est un exemple de charité chrétienne. Il donne souvent la moitié de son pain à celui qu'il croit encore plus faible que lui, il va, le soir, après sa journée de travail, en marchant péniblement, voir un ami défaillant pour lui redonner un peu d'espoir. C'est un saint, mais tu vois il ne lui manque qu'une chose, c'est qu'il ne croit pas en Dieu.»