Ce récit est en rapport avec des déportés comme moi mais parce qu’ils étaient juifs (comme si les juifs n’étaient pas fils de leur mère comme tous les autres !), déclenchaient des offensives pires que sur les champs de bataille. Les SS et les Kapo armés de manches de pioches, commençaient à un bout de la carrière et terminaient à l’opposé ayant cassé des têtes, des côtes et autres os, en plus de plusieurs manches de pioche.
Il faisait une température de - 22 degrés. Le ruisseau qui coulait (et coule encore) dans la carrière était complètement gelé. Un SS qui passait par là, pour se divertir, n’imagina pas autre chose que de convertir un Juif en un « pantin de carton ».
Il lui fit creuser un trou dans la glace et quand il fut assez grand pour mettre le Juif, il lui donna plusieurs coups de poing afin qu’il s’allonge dans le trou. Alors, montre en main, le SS le laissa là quinze minutes, juste pour s’amuser et voir cet homme se raidir comme du carton.
Le froid fit son œuvre. Ses vêtements devinrent totalement rigides. Dracula en personne n’aurait pas donné une expression plus tragique. En marchant ses pas vacillants produisaient un bruit de carton ; « Floc …. Floc ! »
Cet homme avec le peu de conscience qui lui restait, comprit qu’il n’avait aucun recours pour échapper à tant de souffrances, qu’il devait en terminer au plus vite et debout. Droit comme un automate (à cause du froid), il dirigea ses pas, il me semble les entendre encore, vers les barbelés. Il se jeta sur la clôture et voulut crier mais sa bouche ne pouvait s’ouvrir, son visage était devenu violet presque noir. Il regarda vers le mirador comme implorant : « tuez-moi ». Une rafale de mitrailleuse retentit et l’homme (qui probablement avait une famille et dont les êtres chers ne sauront jamais comment il était mort et n’auront même pas la consolation de se recueillir sur sa tombe pour le pleurer) tomba lentement. En s’affaissant ses mains s’enfoncèrent sur les pics des barbelés.