La ration de pain journalière oscille autour de 325 grammes (Heinkel, Février 1943). Il s'agit d'un pain chargé d'eau, lourd, à la mie compacte ; s'y ajoute le casse-croûte du kommando : deux tranches de pain recouvertes d'un soupçon de margarine et d'un film de confiture rouge. Au réveil, on nous distribue un Ersatz de café. En semaine, à midi, un demi-litre de soupe avec trois ou quatre pommes de terre non épluchées ou un litre de soupe sans pommes de terre. Dans le liquide nagent quelques morceaux de choux, rutabagas ou feuilles vertes ; parfois du chou fermenté, avec du cumin. Quatre jours par semaine, le soir, c'est le même Ersatz de café que le matin. En même temps que le pain, on perçoit un carré de margarine ou une rondelle de saucisson, à moins que ce ne soit une mince tranche de pâté mou et gélatineux. Les trois autres soirs, nous avons trois quarts de litre d'une soupe très claire, accompagné de pain sec.
Le dimanche midi, la soupe est plus épaisse et contient parfois quelques grammes de viande, ce qui la fait baptiser "Goulasch". Pour les affamés que nous sommes, c'est un menu sensationnel, comme l'est ce que nous appelons la "soupe blanche", avec un genre de millet légèrement sucré. A certaine époque, on voit apparaître une soupe jaune, un peu sure, à cause de la moutarde qu'elle contient, et dans laquelle nagent quelques moules de conserve.
A la suite du débarquement, en automne 1944, les rations diminuent progressivement. Le morceau de pain est ramené à 175 grammes, cependant que le casse-croûte des kommandos de travail a disparu depuis longtemps. Pour se partager, à dix-sept, deux pains de 1500 grammes, chaque groupe se confectionne une balance rudimentaire. Coupées, équilibrées, les rations sont ensuite tirées au sort.