Mais commença le travail pour la construction d’une usine sous-terraine. Des camions nous conduisaient sur le chantier où, menés à coups de trique, il fallait y fournir un travail épuisant au-dessus de nos forces, avec une nourriture et un sommeil insuffisants, un costume qui ne nous protégeait pas contre les intempéries. Nous avons dû manier la pelle et la pioche, porter des rails, pousser des wagonnets, en un mot, faire tout le travail de manœuvres sur un chantier et cela sans distinction d’âge et de force physique.
Voici l’horaire d’une journée. Lever à 3h30. Vers 4h, on nous mettait dehors, par n’importe quel temps et on nous servait le jus. De 4h30 à 6h, nous étions groupés pour l’appel au garde-à-vous, non au repos, par conséquent sans pouvoir bouger. 6h marquait le moment du départ. A 6h30, nous arrivions sur le lieu du travail qui commençait immédiatement, interrompu de 12h à 13h par une pause, durant laquelle il fallait gagner en courant le lieu où la soupe était distribuée, avaler celle-ci en hâte et revenir sur le lieu de travail qui recommençait sans qu’on ait eu le leu de s’asseoir. A 18h, il cessait et les camions nous ramenaient au camp. A 18h30, nous étions à nouveau au garde-à-vous pour l’appel. Après quoi nous faisons la queue pour toucher notre maigre pitance. Comme nous étions à peu près 500 par Block, la distribution durait au minimum une demi-heure, quand il ne prenait pas fantaisie au chef de Block de distribuer d’abord le pain, puis le saucisson et enfin le jus. Avec les contrôles de poux, les séances de rasage et la tonte de cheveux – nous portions tous la raie large de eux doigts faite au rasoir au milieu de la tête – nous ne pouvions guère nous coucher avant 21h30. De 3h30 du matin à 21h30 du soir, il était impossible de nous asseoir, ne fût-ce qu’une minute.