Les rares nuits où l’Alarm n’avait pas sonné, la prévoyance du chef de camp remplaçait les alertes par des appels, parfaitement inutiles puisqu’ils doublaient ceux qui nous rassemblaient sur la place au retour du travail. Vers onze heures du soir, quand, rassurés par le silence et rompus de fatigue, nous étions enfin endormis, les cris des Stubendienste interrompaient notre repos. Il fallait s’habiller comme les autres nuits, gagner l’Appelplatz, s’aligner, immobiles, au garde-à-vous, attendre le signal de la dislocation. L’hiver, quand la neige tombait ou que soufflait le vent glacé du nord, l’appel se prolongeait deux ou trois, quelquefois cinq heures. Là, sous les faisceaux jaunes et glacés des projecteurs, douze mille hommes grelottants regardaient tomber les morts, sans qu’il leur fût permis de faire un geste, de se pencher sur eux, de leur dire un dernier adieu.