La pelle n’est pas un outil indifférent, banal, standard, constant dans sa forme et son poids. Il y a des pelles. Les bonnes et les mauvaises. Les affûtées et les ébréchées. Les propres et les chargées d’argile. Celles à manche poli par l’usage et celles à manche rugueux qui blesse les paumes. Les bien équilibrées, les vicieuses qui versent sans qu’on puisse les en empêcher. Celles du bon ouvrier et celle de l’intellectuel rêveur. Celle qu’il faut repérer d’un coup d’œil pour la saisir ou au contraire celle qu’il faut laisser à plus maladroit ou à plus faible. Celle qui sert d’appui quand on travaille avec les yeux. Celle que l’on nettoie un quart d’heure avant la fin du travail pour épargner ses forces. Celle que l’on ne peut arracher de la boue que par un effort qui vous laisse brisé et c’est alors un ennemi que l’on hait. Mais la pelle, quand on a appris à la manier, à pelleter au pied du tas de sable ou de béton, quand on l’a bien en main, qu’elle sonne clair sur les cailloux et qu’elle fait presque partie de vous – la pelle peut être une amie. La pioche, jamais !