Il n’y a pas de délivrance. Il n’y a pas d’oubli. Je ne veux pas la délivrance. Je ne veux pas l’oubli. [...]
Avant d’être vieux, au camp, j’aurai appris ce qu’était la vieillesse : les mots qu’on ne trouve plus, les mots qu’on rabâche parce qu’on a peur de n’être pas compris, les genoux qui fléchissent et font croire qu’ils vont plier par devant, les yeux qui se brouillent, la crotte qui fond et coule dans les jambes de pantalon, le sexe ramolli... J’ai connu le gâtisme à vingt ans... Il ne m’a pas fallu retomber en enfance.
J’avais si faim que j’aurais mangé la terre ou rien du tout. On ne sait plus rien... Sauf qu’il faut faire attention.
Le regard ! C’est cela qui sauve. Il est à la fois le guetteur et celui qui repousse l’attaque. Il est celui qui mendie et celui qui défie, celui qui peut, à la fois, vous faire honte à vous-même ou faire honte à autrui. Le regard ! Les photos m’en sont témoins. Il ne restait que cela dans les visages des survivants libérés.