Un homme, les mains liées, agenouillé sur une barre de fer qui pénètre lentement, inexorablement, dans la peau, la face ruisselante de sueur, les yeux exorbités sur un phare implacable, immobile, qui le fixe des heures d’éternité, brûle les paupières, vide le cerveau et l’habite de peurs démentes et de désirs comme des soifs inétanchées : le sort du concentrationnaire. Le long de tous les chemins et pour toutes les heures, les SS ont construit des violences. L’homme ne peut les fuir et vit, l’angoisse en éveil, dans leur attente. Elles corrompent merveilleusement toutes les résistances et toutes les dignités. Les hommes verts sont les grands maîtres de ces cérémonies, les prêtres cyniques de ces expiations. Sur les chantiers, ils saoulent de cris et d’injures les têtes affolées, piétinent et tuent les révoltes naissantes. Ils se nourrissent de délices incertaines à creuser de coups les corps soumis. Mais, le soir à la rentrée dans les Blocks, ils sont encore présents ; il ne faut point de repos au concentrationnaire et surtout pas d’oubli. Lorsque les chaînes du travail tombent, ils forgent les fers des corvées inutiles, des tracasseries sans nombre, des tortures gratuites.