Venant de Flossenbürg, nous avions la hantise de la carrière. Nous n'étions nullement rassurés en apprenant que nous étions affectés à ce Kommando. Et pourtant, grâce aux Tchèques et à leur aide constante, nous fûmes les moins malheureux. Les ouvriers de M. Chomout* étaient requis et obligés de rester sur place et de travailler pour les Allemands. Des consignes très sévères et très minutieuses nous concernant leur avait été données. Tout rapport avec nous leur était interdit. Il n'en fut rien. Malgré la rigueur des ordres reçus, leur cœur parla, les Tchèques s'employèrent à nous secourir, très vite, les ouvriers organisèrent la solidarité. Ils le firent en corrompant les Allemands qui nous gardaient car eux aussi commençaient à avoir faim. M. Chomout, lui aussi, aida les déportés. Il sut qu'il y avait un prêtre français au camp de Janovice. Il aimait beaucoup la France. Tous les matins on voyait arriver le grand Nevack avec un sac de jute sur le dos et dans le sac deux pains ronds comme les miches de nos campagnes. Imaginez la joie d'un morceau de pain quand on a faim. Ce pain, je fus chargé de le distribuer entre Russes, Polonais et Français qui travaillaient à la carrière. M. Chomout donnait des fruits, des médicaments. Nous eûmes même une fois de la bière et des gâteaux. [...]
A Noël, la solidarité tchèque se manifesta d'une manière plus active que jamais. En plus du pain, on nous distribua de la pâtisserie préparée par la population des villages environnants, ce dont profitaient nos gardiens qui, de ce fait n'en parlaient pas. Les habitants y mirent un tel empressement que les officiers s'en aperçurent. Il y eut des représailles et je crois savoir qu'un ouvrier de la carrière fut gravement puni.
* Texte de Laurent Alibert cité par l'abbé Louis Poutrain
* M. Chomout était le propriétaire de la carrière réquisitionnée par les Allemands