>Longtemps, Dora n'eut pas de four crématoire. Pendant plusieurs mois, par camions, les cadavres étaient transportés à Buchenwald. Ces arrivages funèbres expliquent la mauvaise réputation que Dora avait à Buchenwald même. Plus tard, les fours construits à Dora, ne suffisaient pas pour incinérer les cadavres relevés dans le camp et ses annexes.
Le surplus, arrosé de matière inflammable, était brûlé à l'extérieur. En juin 1944, on construisit un nouveau four d'un modèle perfectionné, afin de pourvoir aux nouveaux besoins du camp, dont on prévoyait de quintupler la population.
Appelé chaque jour aux fours crématoires pour y contrôler les listes des morts, j'ai trop souvent, hélas été témoin par moi-même de l'horreur de ces enfers.
Le Kapo, un exécrable bandit, semblait éprouver une volupté sadique dans l'accomplissement de sa macabre besogne. Sans aucun respect des morts, il obligeait les détenus à sectionner bras et jambes pour réduire le volume des cadavres. Un jour, n'ayant pu lui cacher mon dégoût, ce kapo me dit amicalement : « Sois tranquille, quand ton tour viendra, tu auras une cuisson pour toi seul ».
Parmi ces cadavres, un corps, une fois, se dressa… Sans hésiter, le SS le fit abattre sur le champ, sous prétexte qu'il était déjà rayé des contrôles.
Ces tueries étaient minutieusement réglementées par les contrôles. La paperasserie y était abondante et administrative. Chaque mort était soigneusement pointé sur une liste, tandis que l'on ôtait son numéro matricule. La dépouille était estampillée à la cuisse et livrée aux gens des fours. Lorsque le second contrôle révélait une erreur, une nouvelle vérification des tampons était imposée.
Les cendres étaient jetées dans la fosse des vidanges et allaient ensuite amender le potager des SS.