La nuit l'aération est presque nulle et plus de 500 hommes dorment entassés dans une odeur d'urine et de vêtements mouillés. Dans cette cohue de dormeurs, les uns rêvent à voix haute, les autres se disputent. Le sommeil est un des derniers bastions où l'individu peut s'appartenir. On voudrait avant de s'endormir, penser à sa famille, imaginer le retour chez soi. L'obsédante faim dessine des images de pain blanc qui ont parfois une priorité fugitive sur les visages aimés. Ce cinéma interne dure peu, la fatigue endort vite malgré la position incommode, l'entassement infect, les pieds du voisin sous le nez.
La lutte contre le repos nocturne est méthodiquement organisée par les SS. Ces moments de délassement relatif sont de courte durée. L'alerte retentit le plus souvent vers minuit et c'est la ruée obligatoire, sous les coups de schlague et de planches, vers des caves.