Autriche / Mauthausen
Légende
D’août 1938 à mai 1945, entre 190 000 et 197 000 détenus sont passés par le camp de concentration de Mauthausen ou l’un de ses camps annexes. 100 000 à 115 000 d’entre eux n’ont pas survécu.
Situé sur la rive gauche du Danube, à une vingtaine de kilomètres en aval de Linz, le camp de concentration de Mauthausen a été ouvert en août 1938, juste après l’Anschluβ entérinant le rattachement de l’Autriche au Reich allemand. Cette création constitue le point de départ de l’extension du réseau concentrationnaire dans les territoires annexés par le l’Allemagne hitlérienne. Deux facteurs semblent prépondérants dans le choix de Mauthausen : la présence de carrières de granit de qualité d’une part – celle de Wiener Graben (propriété de la ville de Vienne, d’où son nom) en contrebas du camp et, à quelques kilomètres, celles de Gusen et de Kastenhof –, sa situation géographique d’autre part, à proximité de Linz, à la confluence de l’Enns et du Danube, ce qui en fait un carrefour fluvial (anciennement un lieu de perception de péages sur les bateaux – Mauth (octroi) – d’où le nom de la ville), et sur un grand axe ferroviaire (parcouru notamment par l’Orient Express) permettant des échanges avec l’ensemble de l’Europe de l’ouest, centrale et balkanique.
En mai 1940, les premiers détenus de Mauthausen sont envoyés dans les baraques du camp de Gusen, premier camp annexe (chronologiquement, mais également par le nombre d’hommes qui y sont envoyés) du complexe concentrationnaire autrichien. Pendant les deux années qui suivent, durant lesquelles le travail de la pierre reste prioritaire, le système ne connaît qu’une faible extension, et ce n’est qu’à partir de 1942, alors qu’il est désormais évident que la guerre va durer, que de nouveaux camps sont ouverts, en nombre limité jusqu’à l’été 1943. La création de nouveaux Kommandos, souvent situés à proximité des centres industriels, dans la banlieue de Vienne et à Linz notamment (une cinquantaine de camps annexes ont fonctionné pendant les sept années d’existence du complexe concentrationnaire de Mauthausen), s’explique par le choix d’impliquer les camps dans l’effort de guerre du Reich en réaffectant un grand nombre de détenus à la production d’armements, sur de nouveaux sites donc, mais également dans des camps existants comme à Gusen. Au cours des derniers mois, suite à l’avance des troupes alliées, les camps les plus proches des fronts se videront de leurs détenus, évacués vers Mauthausen ou d’autres Kommandos.
Plusieurs spécificités du camp de Mauthausen en font un camp à part au sein du complexe concentrationnaire nazi. Le 2 janvier 1941, Reinhard Heydrich, chef du RSHA (Reichsicherheitshauptamt – Office central de sécurité du Reich) proposait une classification des camps en trois catégories correspondant à trois degrés de dangerosité des détenus pour l’Etat allemand, et au placement de ces derniers dans les trois catégories de Schutzhaft (détention de protection, de sécurité, permettant l’internement en KL sans jugement préalable). Seul camp de catégorie III, Mauthausen était donc destiné à recevoir les détenus les plus dangereux, considérés comme « non rééducables », et constituait de ce fait une pièce maîtresse du système répressif nazi. Pour essentiel qu’il soit, le décret d’Heydrich ne constitue pas pour autant le cadre en vertu duquel la majorité des détenus sont envoyés vers le camp autrichien.
Aux côtés de la fonction politico-pénale des camps, constituant la vision dominante au sein du RSHA, la perception des KL comme un vivier de main-d’œuvre corvéable à merci qui était celle d’Oswald Pohl, chef du SS-WVHA (SS-Wirtschafts-Verwaltungshauptamt – Office central d’administration économique de la SS), ne cessa d’étendre son emprise au sein de la Reichsleitung-SS à mesure de l’enlisement des troupes de la Wehrmacht sur le front russe. Si cette deuxième fonction explique pourquoi d’autres que des détenus considérés comme particulièrement dangereux, par exemple les déportés de l’Aktion Meerschaum (« écume de mer ») en 1943, visant à déporter vers les camps 35 000 détenus « aptes au travail », furent dirigés vers Mauthausen, ce fait ne doit pas pour autant occulter la première fonction du camp de catégorie III qui, bien que ne constituant pas le facteur explicatif de l’entrée de la majorité des détenus, n’en demeure pas moins significativement présente jusque dans les derniers mois de la guerre.
À cette spécificité de Mauthausen, à son rôle dans l’économie de guerre du Reich, étudié notamment par Michel Fabréguet, s’ajoute une troisième caractéristique, géographique cette fois, qui en fait un lieu privilégié pour l’évacuation de détenus durant les derniers mois de la guerre. Sa localisation, qui le place un temps hors de portée des bombardements ennemis et en fait le camp le plus éloigné des fronts, explique le choix d’y évacuer nombre de détenus, essentiellement en 1945. Le 5 mai 1945, le camp de Mauthausen était libéré par les troupes américaines, quelques jours après les premières évacuations de détenus par la Croix-Rouge internationale à la fin du mois d’avril. Le même jour, les soldats américains libèrent Linz et Gusen et le camp d’Ebensee le lendemain, tandis que les détenus du Loibl Pass rencontrent les troupes britanniques et les partisans du maréchal Tito le 8 juin. Les principaux camps du complexe concentrationnaire de Mauthausen n’ayant pas été évacués et ayant continué de fonctionner jusque dans les dernières heures précédant l’arrivée des troupes alliées, les archives du camp ont été largement préservées, permettant d’aborder avec précision l’histoire du KL autrichien.
Adeline Lee, PhD
Liste des camps annexes et Kommandos du camp de Mauthausen
Amstetten |
Bachmanning |
Brestein |
Dippoldsau |
Ebensee |
Eisenerz |
Enns |
Grein |
Grossraming |
Gunskirchen-Wels |
Gusen I |
Gusen II - Sankt Georgen |
Gusen III |
Hirtenberg |
Jedlesee et Florisdorf |
Klagenfurt |
Lannarch |
Leibnitz-Graz |
Lenzing |
Linz I |
Linz II |
Linz III |
Loibl Pass (Nord et Sud) |
Melk |
Passau I |
Passau II |
Peggau |
Sankt Aegyd |
Sankt Lambrecht |
Sankt Valentin |
Schlier-Redl-Zipf |
Schloss Mittersill |
Schönbrunn |
Steyr |
Ternberg |
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Wiener Neustadt I |
Wiener Neustadt II |