Et puis il y a eu ce fameux jour où nous étions au travail et avons entendu des explosions. Nous avons vu de la fumée monter, et peu après, des coups de feu ont été tirés pas loin de nous. Les SS nous ont ordonné de nous coucher, donc on n’a pas bien vu ce qui se passait, mais cela tirait dans tous les sens, puis cela s’est arrêté. Nous ne savions pas ce qui s’était passé, mais les SS avaient l’air un peu nerveux. Nous sommes rentrés au camp et là, nous nous sommes rendu compte que le crématoire IV avait explosé, que sa cheminée qui crachait jour et nuit de la fumée avait disparu. En fait, on a appris que certains membres du Sonderkommando avaient décidé de se révolter et de faire exploser les fours crématoires ainsi que les barbelés de leur enceinte pour essayer de fuir en sachant qu’ils avaient une très faible chance de s’en sortir vivants, mais c’était un acte héroïque fait dans des conditions incroyables.
Nous étions très heureux de voir cela, mais une fois enfermés dans la baraque, nous avons commencé à avoir très peur des représailles, ce qui était habituel chez les SS, et pour beaucoup moins que cela. Donc nous avons passé une très mauvaise nuit, guettant tout les bruits venant de l’extérieur. En fait, il ne s’est rien passé, le lendemain nous sommes retournés au travail comme si de rien n’était.
La révolte du Sonderkommando a lieu le samedi 7 octobre 1944. Bien qu’elle parvienne à mettre hors d’usage le crématoire IV, elle est effectivement un échec. Les évadés sont tués ou repris et la plus grande partie de ce Kommando est exécutée en représailles : le 3 octobre, il comprenait 661 hommes dans les quatre crématoires (874, le 30 août) ; une centaine d’entre eux est épargnée.