Nous étions 24 tailleurs. Le déplacement eut lieu en camion et nous arrivâmes à notre premier vrai camp : Blizyn. Il s’agissait d’une ancienne usine transformée en camp, entourée de barbelés. Nos gardes étaient des Ukrainiens et le chef du camp était l’Obersturmführer Nel. Nous devions être, à peu près, 5 000 Juifs, essentiellement des tailleurs et des tricoteurs.
Notre travail de tailleur était très simple. Nous étions divisés en trois équipes pour faire les trois huit. Ça bossait 24 heures sur 24. Nous fabriquions des vêtements très chauds et réversibles, un côté blanc et l’autre vert. Ils étaient destinés aux soldats du front de l’Est. Tous les jours, un train arrivait rempli de tissu et un autre repartait rempli de vêtements finis.
J’étais dans la baraque 12 des tailleurs.
Quant aux conditions de vie, c’était le camp le plus dur de tous les camps que j’ai traversés. Pour vous donner une idée : en arrivant, nous étions 5 000 et quand ils ont fermé le camp, au printemps 1944, nous n’étions plus que 1 800 détenus.
Entre-temps, d’autres déportés venaient remplacer les morts. En fait, tous mouraient essentiellement du typhus, d’épuisement et aussi d’exécutions sommaires.
Mon numéro à Blizyn était le 2284.
Les conditions étaient très dures, il n’y avait pas grand-chose à manger, la distribution de soupe n’était pas régulière, nous pouvions rester plusieurs jours sans rien recevoir comme nourriture. La seule façon de ne pas mourir d’épuisement ou du typhus était de voler et de trafiquer. J’essayais, la nuit, de faire en plus des casquettes, des caleçons ou des chaussettes pour avoir un peu plus chaud et pour les échanger contre de la nourriture. Les commandos qui sortaient du camp avaient plus de possibilités de faire du troc et s’en sortaient mieux que moi, qui étais bloqué à l’intérieur.
Au fur et à mesure, je commençais à être très faible.